Synthèse : Connecteur Recherche Transitions²

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Ugo Henri

By Ugo Henri

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Controverses, tensions et pistes pour la Recherche, à la croisée du numérique et de l’écologie

Synthèse : Connecteur Recherche Transitions²

Connecteur Recherche Transitions²


Controverses, tensions et pistes pour la Recherche, à la croisée du numérique et de l’écologie


 

Quelle contribution le numérique et l'informatique peuvent-ils apporter à la « transition écologique », c'est-à-dire à la recherche d'un mode de développement capable à la fois de réduire de 80 % l'impact écologique de nos économies et nos modes de vie, d'accueillir 2 milliards d'humains supplémentaires et d'extraire de la misère ceux qui y vivent encore ?

 

 

En 2016, la Fing, Inria et l’Ademe lançaient un appel aux chercheurs qui travaillent aujourd'hui, ou souhaiteraient travailler, dans cette perspective :   

  • Pour partager leurs travaux et références, mais aussi leurs éventuelles difficultés,

  • Pour imaginer ensemble les voies par lesquelles la recherche en informatique et en sciences humaines et sociales pourrait fournir une contribution décisive à cet objectif.

 

En 2016, deux rencontres ont rassemblé une centaine de chercheurs et praticiens pour relever ce défi, nourries par des échanges en ligne.

 

1- Thématiques : quel objectif commun pour la recherche ? Sur quoi doit-elle en priorité travailler demain ?

 

Quelle peut-être la contribution de la Recherche à une "juste” contribution du numérique à l'écologie ?

 

Les questions de la recherche sont dans le projet Transitions² depuis ses débuts. Elles nous permettent de qualifier les endroits où nous avons des ressources et les endroits où les travaux sont à faire. Elles sont aussi l'occasion de croiser les regards : chercheurs en "sciences dures" et chercheurs en sciences humaines et sociales - les chercheurs en science du numérique venant apporter de la complexité.

 

Nous avons pu commencer à cartographier certains objets pivots :

  • Les choses nouvelles ou émergentes : le potentiel transformateur du numérique existe-t-il et si c’est le cas comment le mesurer et l’apprécier ?

  • Des questions nourries sur la littérature par les effets rebond : comment désamorcer les effets rebond ? A quels endroits le remède est-il pire que le mal ?

  • A quel moment les complexités techniques rendent le dialogue et la décision impossible dans les champs démocratiques ?

  • Dans d'autres champs, nous commencçons à engranger quelques éléments de réponses, comme sur l'empreinte écologique ambigue de l'économie collaborative ou la question des échelles : quelle capacité du numérique à mettre les petites initiatives en réseau ?
     

T2_Carto Recherche_Mars 2017

Cartographie des champs de recherche explorées dans Transitions² - Mars 2017
 

Partant de ces acquis, les premiers échanges nous incitent à engager des efforts de Recherche dans trois grandes directions :

 

  • Le numérique pour retrouver de la gouvernance

  • Nouveaux effets rebond du numérique

  • High tech frugales”

 

Piste 1 : Le numérique au service de la gouvernance - et non l’inverse

 

Le numérique est largement mobilisé dans sa dimension de calcul, pour mieux comprendre et gérer les grands systèmes complexes, dont la Smart City est l’emblème. Une des promesses est d’éclairer la prise de décision : la réalisation de la Ville Durable sera conditionnée à une meilleure connaissance des données et des flux (transports, déchets, eau, énergie,...).


Mais qu’en est-il vraiment ?

 

L’ajout de fonctionnalités pour résoudre des problèmes environnementaux crée de la dépendance technologique ce qui entrave souvent la gouvernance : les chercheurs, les citoyens, les acteurs publics parfois… n'ont plus vraiment prise sur les décisions.
 La gestion de la complexité s’accompagne d’opacité, que celle-ci soit structurelle ou construite. De fait, l'enjeu véritable de la rencontre synergique entre numérique et écologie est bien celui de la gouvernance et cela à au moins deux échelles.

  • D'une part, le numérique ne doit pas devenir un enchevêtrement de boîtes noires sous peine de ne laisser aux acteurs, aux usagers, aux citoyens que des injonctions normalisantes.

  • D'autre part, dans l'optique de la gouvernance, la gestion de systèmes complexes par le numérique ne peut se transformer en décision unilatérale obtenue par un agencement de données. Le design de ces outils se doit de ré-incorporer la place du décideur et son potentiel choix entre différentes options éclairées par les données et la manière dont elles ont été construites.

 

L'idée de la gouvernance la plus large et la plus ouverte possible doit donc rester à l'esprit des chercheurs afin de réconcilier Ville Intelligente et Ville Durable.

 

L'enjeu de cette piste : simplifier et rendre accessible les données, la connaissance et les modes de calculs, dans une optique de distribution du pouvoir d'agir. 
Le défi est croiser les connaissances en informatique et en sciences humaines et sociales, en travaillant sur les marges de manœuvre (STIC) et sur les déterminants du pouvoir d'agir dans la société (SHS), l’ensemble pouvant construire une culture scientifique et technique "numérique-écologique" (STIC + SHS).

 

 

Piste 2 : les (nouveaux) effets rebond du numérique

 

La multiplication des micro-équipements personnels (capteurs, box, pinces, appareils domotique) alliée au déploiement des “compteurs intelligents” promet une nouvelle génération. Ces appareils sont majoritairement composés de matières rares, coûteuses et ayant un coût écologique d'extraction et d'acheminement élevé. Dans la plupart des cas, leur obsolescence programmée est quasi-acquise, soit du fait même de ce qu'ils sont (dégradation des matériaux, durée de vie limitée) soit à cause de la vitesse galopante de l'innovation dans ce secteur.

 

Cette nouvelle vague s’ajoute à ceux que que l’on connaît déjà (dématérialisation), ils promettent des effets structurels et systémiques. Les gains de consommation opérés dans la Ville Durable se traduisant bien souvent par une dépense a posteriori de la ressource économisée ou simplement par un accroissement de la consommation.

 

L’enjeu : les chercheurs devront rendre compte alors d'alerter et de créer des moyens de mesure capables de rendre compte de l'empreinte numérique dans son ensemble ; mais aussi, de trouver les voies (et les oreilles…) pour être entendus.

 

Piste 3 : le numérique frugal et au service de la frugalité ("High tech frugales")

 

Les travaux qui regardent les alliances à l'oeuvre entre numérique et écologie pointent du doigt les limites des modèles actuels productivistes. Il est douteux d'envisager des améliorations dans le prolongement des modèles actuels. A l'inverse des précédentes « révolutions » (électrification, voiture, etc...), nous devons prendre conscience qu'il nous faut désormais inventer de nouveaux modèles où les mesures de la croissance ne peuvent être l'alpha et l'oméga. Sans cela, la transition écologique ne fera que créer des effets rebonds et ne s'avérera être qu'une fuite vers l'avant infructueuses. La lutte contre l'obsolescence programmée, la frugalité, le Low Tech doivent trouver leur place dans les nouveaux modèles et imaginaires.

 

L’enjeu : produire une connaissance actionnable - par exemple une connaissance des flux et des approches qui ne tombent pas dans les travers de la prescription.

 

2- Quelle politique publique de recherche croisée ?
 

La transition numérique telle qu’elle s’amorce renvoie l'image d'acteurs jouant aux apprentis sorciers isolés et contraints à la fuite vers l'avant par des imaginaires catastrophistes et solutionnistes. Nous pensons qu'il est temps de mener une véritable politique publique de recherche croisée et enrichissante où les chercheurs et les acteurs publics à toutes les échelles avanceraient ensemble vers la convergence du numérique et de l'écologie.

 

Pourquoi voulons-nous, devons-nous le faire ?

  • si on n'y voit pas plus clair, nous allons vraiment “jouer aux apprentis sorciers” : c'est ce que l'innovation numérique est en train de faire, c'est ce que la recherche sur le numérique contribue à faire,

  • parce que nous n'avons rien produit de convaincant pour aider la ville numérique et la ville durable à converger,

  • quand nos travaux de recherche montrent l'épuisement et les effets rebonds, nous avons le sentiment que cela ne change rien à l'action des acteurs publics nationaux et locaux; et à celle des industriels,.

  • parce qu'il y a peut-être encore une chance d'inventer un "monde numérique" non-catastrophiste, non-solutionniste mais porteur de choix.

 

L'enjeu est maintenant de transmettre un message clair aux tutelles de la recherche publique et environnementale afin que la recherche classique et que les formes plus neuves de “recherche-bricolage” s'allient pour passer à l'action de façon cohérente et engagée vers une véritable transition écologique appuyée par le numérique.