Francesco Cara est sociologue des usages et s'est beaucoup intéressé aux sciences cognitives et aux interactions homme-machine. Il est fondateur de If You Want To, une plateforme rassemblant plus de 3700 services numériques durables. Au delà de l'agrégation de tout ces services sur une même plateforme, l'enjeu est selon lui de travailler à les rendre plus désirables.
Francesco était également invité à donner sa vision de "l'Agenda pour le Futur" de Transitions² : sur quels thèmes, priorités, focales... les communautés du numérique et de l'écologie doivent-elles porter un effort commun ?
Dessin : Camille Urien
Voilà les 5 priorités qu'il souhaite soumettre :
- Tout d'abord, le nombre de services recensés (3700 !) est impressionnant et témoigne d'un monde dynamique. Cependant, à y regarder plus en détails, on remarque une certaine hétérogénéité des services, mais développés par différents acteurs aux 4 coins du globe signe d'un manque général de partage et de transmission des savoirs. Aussi, cette hétérogénéité se fait sur un éventail de sujets assez réduits (mobilité, qualité de l'air, etc...) en oubliant au passage des sujets moins mainstream comme la qualité de l'eau. Une des tâches à venir pour lui et son équipe et de veiller et d'encourager à un élargissement des innovations à tous les sujets touchant à l'écologie.
- Une certaine naïveté des innovateurs dans la prise en main potentielle de leurs services par les usagers du fait, selon lui, d'un manque d'explicitation voir d'une absence de réflexion autour de l'expérience usager.
- Des innovations assez peu médiatisées de manière générale malgré des coups de projecteurs ponctuels sur certaines d'entre elles
- Un doute sur la capacité transformatrice réelle de beaucoup de ces innovations : la plupart d'entre elles étant des services d'optimisation sans la moindre remise en cause de nos modes de consommation alors que la clé de la transition est là. Selon lui, cet écueil provient notamment du fait qu'on importe trop facilement les cadres d'évaluation des start-ups à ces services, en termes d'efficacité économique donc, alors que leurs ambitions sont plus larges et doivent être prises en compte dans la mesure de leurs réussites.
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Last but not least, si on déplore que ces services rencontrent peu d'usagers, c'est surtout car ils ne nous font pas rêver ! C'est selon lui le grand paradoxe du numérique entre les imaginaires enchantés de celui-ci et les services, parfois mornes (car pensés uniquement pour l'efficacité ?), qu'il produit réellement. A notre grand regret, les services faisant le plus rêver actuellement dans le monde du numérique sont ceux des GAFA et autres grands acteurs du numérique mais dont les ambitions écologiques sont pauvres, si ce n'est inexistantes. Peut-être car ce sont eux qui à la fois produisent et remplissent les imaginaires du numérique ...?