S'appuyer sur ce qu'on sait de l'innovation radicale pour explorer les "Innovations facteur 4", qui visent un impact écologique radical.
Il n’existe pas de définition universelle de l’innovation radicale. Certaines se reconnaissent aisément, au moins a posteriori : la télévision, la Ford T (qui n’est pas la première voiture, mais la voiture qui nous fera entrer dans la civilisation automobile), Blablacar (qui n’invente pas le covoiturage, mais le covoiturage de masse), le “modèle Gilette” (vendre le rasoir pas cher pour vendre les lames)... D’autres se discutent : le low cost aérien, le financement participatif, sont-ils des innovations radicales ? Tout dépend de la définition qu’on en donne.
Selon le “manuel d’Oslo” de l’OCDE, qui constitue la référence de la plupart des dispositifs publics de financement, “Une innovation est la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures.” L’innovation se distingue donc de l’invention car elle est “mise en oeuvre”, appliquée et mise à l’épreuve de la pratique.
On distingue classiquement des “types d’innovation” (de produit, de processus, organisationnelle, marketing, de modèle d’affaires) et des “degrés d’innovation” : de l’innovation incrémentale, qui améliore et enrichit l’existant, à l’innovation radicale, qui transforme l’existant.
Le référentiel Innovation nouvelle génération de Bpifrance[i] définit l’innovation radicale comme celle qui “crée un nouveau marché, ou bien transforme en profondeur un ou plusieurs marché(s). Il y a un « avant » et un « après », pas seulement pour l’entreprise, mais aussi pour ses concurrents.”
Faisant la synthèse de nombreux travaux de recherche, Stefan Hüsig[ii] précise à sa manière la définition : une innovation radicale “combine de manière simultanée des discontinuités technologiques et de marché, dans un contexte donné et à un stade donné du processus d’innovation.” Ainsi, l’innovation radicale :
L’innovation radicale possède ainsi un certain nombre de caractéristiques importantes :
Une innovation radicale “disrupt” (bouleverse, déstabilise) le contexte dans lequel elle intervient. Cependant, la disruptive innovation théorisée par Clayton Christensen[iv] est un chemin d’innovation précis, par lequel “un produit ou un service simple prend racine au bas d’un marché, avant de monter progressivement en gamme, jusqu’au point de déloger les concurrents établis.” Les fabricants de PC ont supplanté ceux de gros ordinateurs, les compagnies low cost ont capté les clients qui n’accédaient pas au transport aérien avant de s’adresser aux clients d’affaires, etc. L’innovation disruptive est avant tout une innovation de modèle d’affaires. Elle paraît ne pas inventer grand-chose (en particulier du point de vue technologique), et pourtant ses effets de moyen terme sur les marchés sont bel et bien radicaux.
En revanche, toute l’innovation radicale n’est évidemment pas “disruptive” au sens de Christensen, en particulier lorsqu’elle crée de toutes pièces un marché (le smartphone) ou introduit une technologie de rupture.
[i] Bpifrance - Fing, Innovation Nouvelle Génération, 2015
[ii] Stefan Hüsig, “A Typology for Radical Innovation Projects based on an Innovativeness Framework”, International Journal of Innovation and Technology Management - 11. 2014
[iii] Selon Innovation Nouvelle Génération (Bpifrance), “le modèle d’affaires (ou business model) décrit la manière dont l’entreprise gagne de l’argent et s’organise en vue d’une croissance profitable. Il décrit la valeur apportée aux clients, la structure des revenus et des coûts, ainsi que la manière dont elle évolue avec la croissance. Il décrit également la manière dont l’entreprise travaille avec son « écosystème » de fournisseurs, partenaires, clients et autres parties prenantes.”
[iv] “What is Disruptive Innovation?”, Harvard Business Review, Dec. 2015