S'appuyer sur des récits post-transition écologique, s'interroger sur la question du passage à l'échelle, ou encore mobiliser la fiction..
Lancée début 2017, la démarche collective "Agenda pour le Futur" de Transitions² rassemble les actions à engager et les messages communs à adresser pour mettre le numérique au service de la transition écologique. Ces actions sont rassemblées en une vingtaine de défis. Découvrez les tous ici.
1- Opportunités et tensions : à quels enjeux numérique et écologie doivent répondre ensemble ?
Les transformations numérique (en cours) et écologique (à venir, pour l’essentiel) sont d’une profondeur telle qu’elles doivent également s’enraciner dans nos imaginaires - c’est-à-dire, dans la manière dont nous nommons, qualifions et donnons sens à ce que nous vivons ou pourrions vivre. Cependant, chacune fait aujourd’hui appel à des registres imaginaires presque opposés. La transition écologique nous invite à intégrer les limites de notre pouvoir et de notre planète, à remettre en question notre statut de “maîtres et possesseurs de la nature” ; la technologie nous propose de dépasser les limites, d’étendre sans cesse nos capacités d’agir et de sentir - au prix, peut-être, d’avoir à négocier non pas avec “l’environnement”, mais avec nos propres créations.
Dans la fiction et la prospective, les croisements entre les deux imaginaires prennent principalement 3 formes :
Quand la vision se met au service de l’action, la perspective devient moins dystopique, mais la fracture demeure entre ceux qui entendent “utiliser les technologies exponentielles pour résoudre les grands défis de l’humanité” (Singularity University) et ceux qui, à l’inverse, explorent le chemin de la décroissance et des low tech.
Au regard de changements de l’ampleur de ceux qui nous intéressent, les imaginaires fonctionnent à la fois comme des dispositifs d’exploration (des “exercices de pensée”), de familiarisation avec le nouveau et l’inhabituel, et de mobilisation (quand ils deviennent collectifs). Peut-on les mobiliser de manière à entrevoir d’autres chemins pour la transition écologique et peut-être, à revisiter (sans forcément la nier) la fracture entre écologie et technologie ?
2- L’Agenda de Transitions² pour relier les imaginaires technologique et écologique
Ils travaillent déjà à relever ce défi au sein de la communauté Transitions²
Dans l’ordre de la fiction, parmi les initiatives les plus fécondes, on peut citer :
l’usage de la science-fiction comme un moyen d’explorer des chemins de transition (ou des formes de reconstruction après “l’effondrement” écologique) : collectif Zanzibar, recherches de Yannick Rumpala… ;
le recours au design-fiction pour rendre sensibles certains enjeux et chemins de la transition écologique : travaux d’Anthony Dunne et Fiona Raby, Future Energy Lab de Superflux, More Than Human Lab… ;
Our Life 21, récits du quotidien de familles en 2050 dans un monde “compatible 2°”, par l’association 4D.
Certaines formes de prospective créative marient assez spontanément écologie et technologie, dépassant (ou ignorant, c’est selon) leurs tensions :
les projets imaginés dans le Grand Paris FuturLab (ou le “Paris Smart City 2050” de l’architecte François Callebaut) ;
la “propagande positive” de l’Institut des Futurs Souhaitables.
Enfin, les “utopies concrètes” autour d’un numérique producteur d’alternatives économiques et sociales rencontrent de plusieurs manières la pensée écologique et les low tech : attention aux “communs”, espaces et dispositifs de coproduction et de partage (fab labs, repair cafés, “libre”, coopérativisme de plateforme...), exploration de mécanismes alternatifs d’échange et de mesure de la valeur… Le projet POC21 de Ouishare (2015) en est une expression particulièrement symbolique, comme également le projet Paleo-Enérgétique, une recherche collaborative pour re-écrire l'histoire de l'énergie et nourrir l'innovation.
Quelles actions collectives la communauté Transitions² a t-elle envie de pousser plus loin ?
Il ne s’agit pas de vouloir à tout prix relier les imaginaires technologique et écologique : la tension entre les deux a un sens. En revanche, certaines pistes mériteraient d’être développées :
raconter ou simuler des récits du quotidien post-transition écologique, ce qui oblige d’aller au-delà de visions abstraites, de se confronter à la complexité ;
la question du “passage à l’échelle” des utopies concrètes qui, aujourd’hui, associent déjà écologie et numérique : peut-il s’agir d’autre chose que d’initiatives locales et marginales - et si oui, de quelle manière pourraient-elles s’étendre ? ;
le recours à la fiction pour vivifier le débat autour de la transition écologique, pour éviter les pièges (très actuels) de l’abstraction, de la technicisation et du découragement.