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Défi 13 : De nouvelles inspirations pour l'économie circulaire

Produit éditorial
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Enrichir l'économie circulaire par le numérique au-delà de sa dimension informatique, au service de valorisations alternatives

Défi 13 : De nouvelles inspirations pour l'économie circulaire

Lancée début 2017, la démarche collective "Agenda pour le Futur" de Transitions² rassemble les actions à engager et les messages communs à adresser pour mettre le numérique au service de la transition écologique. Ces actions sont rassemblées en une vingtaine de défis. Découvrez les tous ici.

 

1- Opportunités et tensions : à quels enjeux numérique et écologie doivent-ils répondre ensemble ?

 

Le lien entre numérique et économie circulaire semble établi...

L’ADEME définit l’économie circulaire ainsi : “Un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien être des individus. Elle doit viser globalement à diminuer drastiquement le gaspillage des ressources afin de découpler la consommation des ressources de la croissance du PIB tout en assurant la réduction des impacts environnementaux et l’augmentation du bien-être. Il s’agit de faire plus et mieux avec moins.”

 

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Schéma : les principaux domaines d’action de l’économie circulaire, ADEME

 

Si l’on s’en tient à cette définition centrée sur l’efficience, la contribution du numérique aux 7 piliers définis par l’ADEME est assez riche et issue d’acteurs variés :

  • La gestion des déchets (recycler, upcycler, ré-employer) : la cartographie en ligne de Let’s Do It propose aux volontaires de récolter tous les déchets repérés par la communauté d’utilisateurs, des sites de partage ou de don (Eco Mairie à Grande-Synthe, groupes Free cycle dont les membres donnent gratuitement et sans contrepartie des objets à d’autres personnes dans leur groupe local), ou encore Smart Cycle qui propose de géolocaliser les objets abandonnés.

  • Les applications de l’écologie industrielle et territoriale à grande échelle (“Cradle to Cradle”, villes et réseaux intelligents…) ou à des dimensions plus modestes (Data Food Consortium, qui cherche à trouver des “langages communs” dans le domaine des circuits courts) s’appuient sur les technologies de “l”internet des objets“, le Big Data, la blockchain...
    Dans un rapport présenté à la Commission européenne en 2015, La Fondation Ellen Mac Artur estime par exemple que les promesses du numérique pourraient diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre, en s’appuyant notamment sur la dématérialisation, l’amélioration de la performance et l'efficience, l’application de nouvelles technologies telles que l'impression 3D et le moteur électrique.

  • L’économie de la fonctionnalité et sa myriade de plateformes numériques pour partager un véhicule (BlabBlaCar), un appartement (AirBnB), une machine à laver (la Machine du Voisin),...

  • La consommation responsable : des applications basées sur des plate formes comme Base Impact de l’ADEME ou Open Food Facts (qui précisent les méthodes de conditionnement, l’origine, les labels des produits alimentaires…) permettent une meilleure connaissance des produits achetés par le consommateur.

  • L’allongement de la durée d’usage : des innovations “Low Tech” ou “No Tech” (telle la machine à laver, réparable, L’Increvable promet de durer 50 ans) appuyées sur un écosystème ouvert : tutoriels produits par des communautés de réparateurs, lieux dédiés comme les Repair’Cafés, plateformes de vente de pièces détachées pour lutter contre l’obsolescence programmée (Spareka)...


 

… Et pourtant, les résultats restent décevants

Les impacts environnementaux attendus de l’économie circulaire outillée par le numérique peinent à se faire sentir : l’écologie industrielle a du mal à passer à l’échelle ; les taux de réutilisation et de recyclage restent bas ; des travaux de l’ADEME et l’IDDRI ont montré les limites de l’économie collaborative et les effets rebond induits (tout en soulignant tout de même que des gains peuvent être réalisés) ; l’internet des objets porte avec lui sa propre empreinte environnementale ; et surtout, ces initiatives font rarement système.

On peut identifier au moins trois causes à cette déception, qui tiennent toutes à la focalisation de l’économie circulaire sur l’efficience :

  • Celle-ci pose d’abord un problème de fond dans un système économique tout entier tourné vers le profit et la rémunération du capital : “Ce qui se dématérialise, s’éco-conçoit et se « circularise », s’analyse en gains de productivité et se réinvestit en innovation, en accroissement de la production et de la consommation. Si l’économie circulaire se limite à un projet technologique et managérial, sans autre changement de modèle, elle nourrira simplement ce mécanisme.” Autrement dit, il manque un objectif explicite au modèle d’économie circulaire : faire diminuer non pas seulement les volumes de déchets, mais bien les volumes produits et consommés.

  • Les innovations numériques décrites ci-dessus se focalisent généralement sur un seul “pilier” de l’économie circulaire. Du point de vue des innovateurs et de leurs clients, cela paraît évident. Mais la “circularité” suppose une vision systémique qui n’est que rarement présente. Les gains locaux, qui peuvent être réels, sont alors rapidement absorbés par toutes sortes d’effets rebond.

  • L’approche du numérique dans la plupart des projets considérés se concentre sur sa dimension “informatique” : tracer de l’information et des objets pour en optimiser les flux, de préférence à plusieurs étapes de leur cycle de vie. Cet objectif n’a rien de critiquable en soi, mais dans la pratique, il est très difficile à distinguer des formes classiques d’optimisation industrielle et logistique.

 

   

 

2- L’Agenda de Transitions² sur l’économie circulaire outillée par le numérique

 

Ils enrichissent la compréhension de l’apport du numérique à l’économie circulaire

  • L’Institut National de l’Economie Circulaire a lancé un plan d’action sur le numérique, qu’elle challenge auprès de la communauté Transitions²

  • L’appel de Daniel Kaplan aux 3e Assises de l’économie circulaire, (2017) qui invite l’économie circulaire “à allier désir et raison, dépassement et intégration des limites”

  • Les plateformes territoriales d’économie circulaire NECI (région Normandie), Eclaira.org (Auvergne-Rhône-Alpes), RECITA.org (Nouvelle Aquitaine) qui s’appuient su les Repair Cafés et les “Tiers lieux”

  • Les propositions du Livre Blanc “Numérique et environnement”, qui appelle notamment à une “revue numérique des politiques environnementales” (dont celles qui croisent les champs de l’économie circulaire)

  • Le chapitre “Le Numérique au service de l’économie circulaire” du Kit Agir Local de Transitions² qui invite les politiques publiques environnementales et numériques à s’élaborer ensemble

  • L'initiative Data Food Consortium dont l’objet est de “développer des standards open data pour les systèmes alimentaires”

 

Des actions collectives à engager

 

Mobiliser le numérique dans une approche réellement systémique de l’économie circulaire, incluant un objectif explicite de diminution des volumes produits et consommés : c’est dans cette voie que nous invitons les acteurs de l’économie circulaire à s’engager. Sans cela, et malgré un écosystème d’acteurs actifs et volontaires, le risque est grand que le numérique ne produise pas plus d’effets positifs qu’il ne le fait actuellement.

 

1- Voir dans le numérique autre chose qu’un instrument de calcul

Le numérique ne se limite pas à sa dimension informatique (données et traitements), dont la finalité est la mesure et l’optimisation des processus. Quelles que soient ses limites, l’“économie collaborative” a par exemple montré une autre voie, en faisant fond sur les pratiques numériques des individus et sur la capacité du numérique à organiser des réseaux de collaboration décentralisée à grande échelle.

Le numérique est également un lieu d’expérimentation continue de nouveaux modèles économiques - l’innovation de business model (plutôt que technologique) est au cœur de la plupart des innovations “disruptives”, de ces dernières années, dont la dimension écologique est certes inexistante. L’attention aux modèles économiques, et au rôle que le numérique pourrait y jouer, devrait devenir centrale pour les acteurs de l’économie circulaire. Les “modèles ouverts” (voir plus haut), voire les modèles à base de “communs”, pourraient constituer des bases solides et pérennes pour l’exploration systémique de formes d’économie circulaire.

Les modèles et pratiques décrits ci-dessus ont souvent pour caractéristique commune d’impliquer les « consommateurs » dans la production, souvent par de tout petits actes (conduire un véhicule partagé, mettre à disposition un objet qu’ils n’utilisent plus, signaler l’orientation d’un toit sur Open Solar Map) et parfois au travers d’actes plus engageants (contribuer à un crowdfunding, participer à un repair café).

 

2- Circulariser l’économie numérique
L’industrie du numérique et ses utilisateurs devraient être les têtes de pont de l’économie circulaire, en proposant des produits éco-responsables, modulaires, réparables, recyclables et surtout, d’une durée de vie plus longue ; et des services clairement pensés dans un esprit de frugalité (en ressources informatiques et réseau). Des efforts existent, mais ils restent trop timides encore. Il est frappant que le numérique, qui vante si aisément sa capacité à dématérialiser et rendre plus efficient tout ce qu’il touche, s’applique si mal ce qu’il professe.


3- Travailler des formes de valorisation de l’économie circulaire qui ne reposent pas sur un principe d’accumulation de richesse : c’est ce qu’exprime le renouveau des « monnaies alternatives », fortement appuyé sur des plateformes numériques. Ces monnaies ne se content pas toujours de créer des circuits d’échange parallèles et plus ou moins clos, beaucoup d’entre elles explorent des « cycles de vie » vertueux de la valeur : certaines perdent de la valeur dans la durée, d’autres valorisent autrement l’échange (par exemple sur la base du temps ou du nombre d’objets échangés, indépendamment de leur valeur monétaire).

 

 

Ressources: