Dans la fabrication des écoquartiers, les usages sociaux posent des problèmes, d'autant que les concepteurs ont une vision fantasmée des usagers.
Thèse d'architecture de Vincent Renauld (Insa Lyon, 2012) : "Contrairement aux communautés écologiques pionnières et militantes (années 70/90) ainsi qu'aux premiers écoquartiers nord-européens (milieu des années 90), les écoquartiers français relèvent de l'intégration progressive des préceptes de la ville durable au sein des modes de production ordinaires de l'urbain (années 2000).
A ce titre, ils consistent à fabriquer, hors de tout militantisme, de nouveaux aménagements (espaces verts rustiques, voiries douces, etc.) et de nouvelles constructions (isolation par l'extérieur, ventilation double-flux, sols écologiques, etc.) en adéquation avec les principes de durabilité.
Cette tentative de généralisation de techniques innovantes au sein de la fabrication urbaine française s'accompagne alors d'une myriade de dispositifs éducatifs à destination des travailleurs du projet et futurs habitants du quartier. Ces outils consistent à inculquer aux différents publics ciblés les nouveaux savoir-faire et savoir-vivre nécessaires à la mise en œuvre et au fonctionnement des techniques écologiques.
Ainsi, les usages sociaux des travailleurs et habitants posent problème à ceux qui fabriquent les écoquartiers. Ce problème traduit le hiatus entre la figure imaginaire de l'usager escomptée par la fabrication et la réalité des pratiques sociales régulées par les usages."
La thèse est désormais un ouvrage : Fabrication et usage des écoquartiers. Essai critique sur la généralisation de l’aménagement durable en France, PPUR, 2014
Un article de Weka détaille certains décalages entre les attentes des concepteurs et les pratiques :
"Ainsi, les locataires du quartier de Bonne à Grenoble n’utilisent pas les coupeurs de veille de la télévision et du lecteur de DVD, de crainte d’éteindre involontairement leur ordinateur ou internet. Ou bien ils les transforment en interrupteurs : pour une lampe d’appoint, afin de ne pas devoir se baisser pour l’éclairer, ou pour allumer la guirlande de Noël.
Le revêtement de sol écologique en marmoleum des appartements s’entretient avec très peu d’eau et sans détergent. Pourtant, la majorité des foyers le lessivent avec des produits ménagers, ce qui dégrade les sols. Les produits de nettoyage provoquent une réaction chimique qui émet une odeur spécifique, perçue négativement. Pour l’éviter, ils utilisent encore davantage de produit ménager (jusqu’à cinq fois plus), ou placent des diffuseurs électriques de parfum dans leur salon. L’innovation technique devient alors donc contre-productive, à la fois sur les plans économique et écologique.
Quant aux façades végétalisées semblables aux treilles, qui empiètent sur les balcons, elles paraissent trop envahissantes. Abritant insectes et araignées, elles renvoient une image inquiétante aux habitants, qui les taillent, les bombardent d’insecticide et en détournent le système d’arrosage automatique…"