[Scénario] Un territoire s'appuie sur le partage pour réduire considérablement son empreinte écologique et pour recréer de la vie sociale
Le 15 octobre 2015 à l'Ecole supérieure d'arts d'Aix-En-Provence, dans le cadre de l'exercice de prospective annuel « Questions Numériques » de la Fing, 50 innovateurs, chercheurs, acteurs publics, designers, entrepreneurs, acteurs publics… ont imaginé des scénarios de transition autour du thème « Vers un numérique écologique by design ».
Deuxième scénario tiré de l'atelier : Un territoire s'appuie sur le partage pour réduire considérablement son empreinte écologique et pour recréer de la vie sociale
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I - LE RECIT
En résumé
Un territoire urbain choisit de s'appuyer sur le partage et l’intensification de l'usage de ses espaces, de ses infrastructures et des objets qui les habitent, à la fois pour réduire considérablement son empreinte écologique et pour recréer de la vie sociale.
L'initiative la plus spectaculaire, « Territoire 24/100 », consiste à organiser l'occupation de l'espace de nuit (ainsi que les week-ends et autres périodes auparavant « creuses ») : un immeuble de bureau devient dortoir, restaurant et espace de fête ; des bâtiments publics (gymnases, cantines, salles de classe, préaux d'écoles, guichets...) accueillent toutes sortes d'activités après leur « fermeture » ; à l'inverse, les services se déplacent vers les lieux disponibles aux heures qui conviennent aux publics ; un cinéma vide en journée devient amphi, centre de conférence…
Des plateformes aident à organiser la rencontre entre offres et demandes d'espaces ou d'activités dans les espaces. Elles sont ouvertes à des demandes pérennes ou ponctuelles (une cave pour une répétition musicale).
Les espaces libérés par cette intensification sont rendus partagés, à diverses fins, en particulier la création de potagers et « fermes urbaines » communes, ainsi que de centres de micro-logistique accessibles aux AMAP comme aux livraison d'ecommerce.
Le partage s'étend aux objets, machines, véhicules, etc. Des partenariats avec des plateformes numériques (ex. LeBonCoin) et des réseaux de lieux d'échange (ressourceries, Fab Labs, dépôts-ventes, Emmaüs…) rendent beaucoup plus facile de louer ou prêter des objets, de les réparer ou les faire réparer, de les revendre, les donner ou les recycler en fin de vie. De la ressourcerie de proximité à la déchetterie plus éloignée, un ensemble de ressources articulées numériquement facilitent la circulation et l'utilisation maximale des objets.
Fait déclencheur 1
Du fait des rejets toxiques de la zone industrielle située à quelques kilomètres de la ville et du fort taux d’encombrement dans le centre et ses banlieues (déplacements pendulaires importants), le taux de pollution au CO2 est constamment en hausse, la qualité de l’air se dégrade dangereusement, de nombreuses personnes sensibles à cette pollution déposent une plainte au pénal contre la ville et son absence de réaction. La commune est condamnée et doit payer une très forte amende, mettant encore plus en péril son équilibre financier.
Fait déclencheur 2
La ville monte en grand événement avec Maker-Fair, LeBonCoin et les dépôts-ventes locaux pour promouvoir les idées de partage, réutilisation, réparation, coproduction d’objets. La ville donne l’exemple en partageant des équipements sportifs, sa flotte de voitures électriques, l’accès à son garage et ses outils de réparation de vélos en libre-service. La première boutique gratuite est inaugurée à l’occasion de cet événement.
II - LES POINTS CLÉ DU SCÉNARIO
Quels effets rebonds ?
Afin que les gains du partage ne soient pas dépensés en achat de matériel complémentaire (équipements informatiques, voyages aux Seychelles, achat de 4x4), une monnaie locale à usage écologique est mise en place. Elle permet l’achat de services et biens non polluants, produits localement.
Quels systèmes sont bouleversés ?
- La construction : la mutualisation de lieux publics et privés existants et la rationalisation du temps d’occupation des espaces évitent la construction de nouveaux bâtiment et laissent donc des terrains libres pour des zones de plantations et des jardins partagés ; toute nouvelle habitation collective intègre des espaces partagés (buanderies, stockage de matériels, chambres d’amis, jardins) et la production de son énergie ; les travaux des étudiants (des BEP ébénisterie, maçonnerie, … aux écoles d’architectures) sont utilisés et ne restent donc plus à l’état de projet.
- Le commerce : l’accent étant mis sur la récupération, la réparation et la réutilisation, la vente de biens matériels est quelque peu mise à mal (apparition de boutiques gratuites, de ressourceries, de réseaux d’échanges). Le commerce de proximité est par contre renforcé, notamment pour les produits agricoles (fermes urbaines, jardins partagés)
- Le système de transport : installation de parkings relais en périphérie de la ville pour les véhicules polluants avec mise à disposition de voitures électriques, pour rejoindre un centre ville devenu une zone quasiment sans voiture (hors parc automobile municipal mutualisé). Pistes cyclables, zones piétonnes, transports en communs sont favorisé ; des garages solidaires sont ouverts pour permettre de réparer facilement son vélo ou tout autre moyen de déplacement doux.
- Le système de santé : mise en place d’un système locale d’entraide avec un modèle éco-contributif, dans un objectif de « 0 hospitalisation ».
III. CE QU’ON APPREND
Les controverses
- Un système « communiste » où il devient impossible d'innover, de grandir, d'atteindre des économies d'échelle, lesquelles peuvent s'avérer essentielles pour atteindre des objectifs écologiques ?
- Un système inégalitaire qui favorise ceux qui ont quelque chose à partager ?
- Une vision qui suppose des changements de comportement impossibles à imaginer, surtout dans des pays vieillissants qui, par exemple, ne voudront pas que leur ville fasse du bruit la nuit ?
- Un système liberticide où il faut tout savoir sur tout le monde pour orchestrer le partage ?
Les métiers ou acteurs clés qui montant en puissance
- Les collectivités locales, qui organisent la mutualisation des ressources du territoire (temps, espaces, compétences)
- De nouveaux métiers : gestionnaire de hub, gestionnaire/animateur d'espaces partagés (même sans en être le propriétaire ou l'exploitant)…
- Les propriétaires de lieux du territoire, les prestataires de services présents sur le territoire
Quelle place du numérique ?
- Mise en place des différentes infrastructures de partage et de réservation, des plateformes collaboratives, de cartographies de lieux partagés
- Mise en place d’un système de motivation/notation, avec la possibilité d’être l’ambassadeur d’une pratique, d’un service.
- Le numérique comme base d’une philosophie du partage et du collaboratif.
Ce scénario marche si...
Les 2 clés de voute du système, mis en avant, sont responsabilité et confiance
- Il existe des matrices temps / espaces / services facilement utilisables.
- Des professionnels itinérants et multi-employés sont eux aussi « partagés », au service de ces multiples activités et lieux partagés, organisés autour d'une « place de marché » de compétences et de disponibilités.
- Une « programmation » accueillante pour présences intermittentes (ex. créateurs de mode) est proposée.
- Des formes de mesure et d'organisation des échanges et des contributions sont mises en place (par exemple, une monnaie locale), sans pour autant vouloir tout compter.