La première rencontre du cycle prospectif "Usine du futur, développement durable et numérique", de l’Ademe et de la Fing, s’est tenue le 1er mars au Square, nouveau lieu d’open innovation de Renault. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre du programme Transitions2 qui vise à relier concrètement transition écologique et transition numérique.
Réagir* à ce compte-rendu
Pour réagir à ce contenu il faut disposer d'un compte d'auteur et être authentifié (connecté) au site Transitions²
Objectif de ce cycle
sur l’Usine du futur :
nourrir une réflexion mêlant des acteurs industriels, numériques et du développement durable, la relier aux cartographies de controverses des écoles Mines ParisTech & Telecom ParisTech
Deux ateliers ont suivi un temps d’échange et de confrontation de visions autour d’une définition de l’”Usine du futur” et ses liens avec des préoccupations environnementales, à partir des axes suivants :
- Quelle sera la place des humains dans l’usine du futur ?
- L’usine du futur sera-t-elle propre ? Quid de ses externalités : recyclage, démantèlement, matières premières… ?
- Les produits de l’usine du futur seront-ils low-tech, durables et non jetables ? Quels impacts pour l'outil de production ?
1. L’usine du futur, kesako ?
Est-ce un pur “buzz” ?
- Pour certains les modèles dont on parle n’auront pas cours, du moins majoritairement, avant 50 ans
- Pour d’autres c’est déjà une question du passé : l’avenir de l’industrie, c’est le zéro matière
De quoi parle-t-on ?
- “L’IA et la robotique” (qui sont déjà deux sujets connexes mais distincts) - et la place de l’Humain
- L’impression 3D et la fabrication additive (yc avec des matériaux recyclés ?)
- La data analytics, suivi des processus, anticipation des problèmes de qualité, etc.
Mais l’usine n’est pas toute seule
- Elle est un moment d’un cycle de création de valeur et d’une chaîne de valeur - l’usine du futur est d’abord déterminée par ces deux éléments ; le brouillage des frontières entre produits et services est essentiel pour la définir
- Elle prend place dans des “écosystèmes” - au sens propre, au sens territorial, au sens économique et social
- Cette place peut être contingente (l’usine de telle entreprise à laquelle on affecte telles productions, sous pression de délocalisation) ou plus autonome (l’usine à tout produire, type Foxconn)
- Elle a son propre cycle de vie : création, relocalisation, reconfiguration, démantèlement…
Elle est aussi soumise à la tension entre les deux “lean” :
- L’hyper efficience et l’hyper-personnalisation
- Le lean startup hyperdarwinien, qui teste plein d’hypothèses à la fois, qui change sans cesse
Son lien avec des préoccupations extra-économiques, notamment sociales et environnementales, est au mieux ténu.
- On peut produire en 4.0 des produits problématiques : l’usine de smartphones jetables ; l’usine d’implants cognitifs ou de drogues de synthèse ; l’usine Monsanto ; la mega-imprimante 3D qui produit tout ce qu’on lui demande yc des armes…
- On peut ou pas relier explicitement l’usine à son environnement, prendre en compte l’amont et l’aval, le territoire, etc. - est-ce aujourd’hui dans les plans Industrie 4.0 ?
2. Atelier Quelle place pour les humains dans l’usine du futur
Nous nous sommes intéressés à deux branches de cette controverse
2.1. Quelle place pour les humains dans l'usine du futur ?
L'usine du futur sera-t-elle une usine sans hommes ? Sans bras ? Seulement avec des bras ?
Promesse de valeur :
- Productivité, gain de temps
- Flexibilité de la machine, machine jamais malade
- Sécurité, qualité (pas d'accident, pas d'erreur)
- Répondre aux métiers en tension (gestion de la demande, flexibilité)
- Alléger la pénibilité (machine sur postes de travail physiques, exosquelette)
- Relocalisation
Qui porte cette promesse / Qui est concerné :
- Usine du futur
- Fabricants de robot, équipement etc...
- Laurent Alexandre (adapter les compétences)
- Anact
- Peu de discours syndicaux là dessus ?
Dissensus / Ruptures / Autres récits :
- Robotisation à outrance VS Mieux mettre les humains à contribution
- Fin de la production de masse : production sur mesure, personnalisée, agile, responsive
- IA, machines auto-apprenantes : La machine jusque dans la prise de décision ?
2.2. L'usine du futur n'existe pas/plus en elle-même, elle est diluée dans son environnement
Agilité, compétences, consommateurs
Promesse de valeur :
- L'usine et son environnement
- Entreprise étendue, reconsidérer le dedans et le dehors
- Fin du salariat, usine comme plateforme
- Usine et ses produits directement chez le client. L'industrie dans la poche du client, le produit comme une extension de l'usine (John Deere vs agriculteurs)
- L'usine et ses usagers
- L'usine et son bassin d'emploi
Qui porte cette promesse / Qui est concerné ? :
- Le marketing de l'entreprise
- Les producteurs d'études type McKinsey
Dissensus / Ruptures / Autres récits :
- Comment avoir plus d'entreprises respectueuses de l'Homme ?
- Le client dans l'usine / Le client travaille pour l'usine / Travail du consommateur :
- Client rival
- Co-création
- Pouvoir du consommateur
- Usine & Territoire : Usine en ville et Usine plus petite, plus proche
- Usine démontable, transportable : avec ou au dépend des salariés ? Des consommateurs ?
- Fujitsu: Usine reconfigurée en fermes verticales (Japon)
=> Quelles évolutions des compétences dans l'entreprise agile ? Quelles modalités de conversion pour les usines ? Pour les salariés ?
2.3. Conclusion : tensions et imaginaires
- Reste en suspens, de façon presque pesante, dans les conversations la question de l'avenir du salariat : l'usine du futur dans l'environnement actuel semble attirer méfiance et interrogations ne serait ce qu'à lire/entendre l'ambivalence du terme « agile ». On comprend que la promesse d'agilité est bien souvent synonyme d'agilité au détriment des salariés. Rendre l'usine agile signifie, dans les discussions, la rendre capable de s'affranchir des limites humaines, entendons des limites légales entourant le travail humain. En parallèle ces considérations flirtent avec les possibilités de reconfiguration du salariat voir de sa disparition pour le meilleur mais sans que les conditions d'accession à cette reconfiguration semblent atteignables.
L'imaginaire, la prospective, autour de l'usine du futur est finalement comme attiré par quelque chose de globalement positif pour l'Homme (diminution de la pénibilité, de la prolétarisation, dans son sens le plus noble, voir fin du travail) mais perverti par ce qui se veut être un pragmatisme ou un réalisme qui en diminue les perspectives. Il semble que cette tension des cadres cognitifs pour penser l'usine du futur réduit la projection de ce que pourrait être l'usine du futur et la place que l'Homme y occuperait ainsi que les moyens à tracer pour y accéder.
- Proche de cette idée, une autre controverse qui se niche derrière les débats est celle du travail et de sa nécessité ou non pour l'Homme en société (la « robotisation à outrance » étant présentée comme un problème). L'usine du futur doit elle nous amener vers moins ou plus du tout de travail ? Le travail est il essentiel à l'Homme ? Si oui, quel travail restera-t-il à l'Homme (cf. quelle reconversion ? Évolutions des compétences?) ? Comment définit on le travail ? En termes de mise à disposition de sa force productrice (cf. « usine ») ou en termes de prise de décision et donc en terme de responsabilité (aspect valorisant du travail, cf. « peur que l'IA prenne les décisions »).
- 3e thématique « cachée », le couple ville/campagne, l'usine et son territoire, le tissu social autour de l'usine : l'usine même du futur apparaît essentielle pour la vie du territoire qui l'accueille (cf. « stopper les délocalisations »). Promesse sociale : évidemment le travail et la vie des habitants du territoire. Peu de mise en lien avec les 2 thématiques précédentes. Quel tissu social autour d'une usine « sans travail » ? Promesse sociétale : usine adaptable aux besoins des gens (cf.Fujitsu, cf. usine démontable/remontable).
3. Atelier L’usine du futur est-elle “propre” ? Ses produits sont-ils durables ?
Ce qui motive le mouvement vers l’usine du futur
- L’évolution des modèles économiques et des chaînes de valeur / d’approvisionnement
- Les enjeux énergétiques (d’abord) et environnementaux, vus d’abord sous l’angle économique (accès assuré à une énergie et des matières premières peu coûteuses, yc recyclée) et réglementaire ; s’il y a un modèle économique pour les déchets, par exemple, ça change tout
- Les possibilités technologiques (production, pilotage de la production)
- La demande des consommateurs : personnalisation, renouvellement, valeurs…
- Les politiques publiques de “réindustrialisation” et “relocalisation” => L’usine peut-elle être “au service d’un territoire” ?
- La pression concurrentielle (entre marques, entre zones économiques)
- La RSE
Qu’est-ce qui permet de dire qu’elle est “durable” ?
Dépend beaucoup de si on considère “l’usine” comme une composante d’une chaîne de valeur beaucoup plus grande, ou une unité autonome :
- On sait bien optimiser l’unité de production elle-même, et même travailler sur ses intrants et ses extrants, déchets et effluents compris ;
- Mais une grosse part de l’empreinte environnementale se joue ailleurs (dans les matériaux et les pièces semi-finies, dans les autres moments du cycle de vie du produit)
Il y a plein “d’usines du futur”
Un spectre qui va de Woma (fab lab / micro-usine / repair shop / techshop…) à Foxconn, en passant par les réseaux d’artisans ou de petits producteurs (cf. Zara) et toutes sortes / tailles d’usines spécialisées.
Faut-il d’ailleurs se limiter aux atomes ? Qui des “usines logicielles” ? Cependant, nous avons (à peu près) retenu un périmètre : on parle d’usine quand il s’agit de transformer de la matière et que se posent des questions d’efficience et d’effets d’échelle.
Y a-t-il aujourd’hui “controverse” ?
Qui parle ?
- Consultants, presse spécialisée, et fournisseurs (de robots, d’IT, peut-être d’usines), relayés par les pouvoirs publics, ont forgé le récit d’un appareil productif hyperconnecté et interopérable, super ajusté et super efficient
- Noter que selon certains participants, “la France n’est pas un marché” pour ces produits et services, du fait de son sous-investissement dans l’appareil productif (beaucoup moins de robots qu’ailleurs)
- Les responsables d’usines “ne se posent pas du tout les questions de cette manière” : délais, coûts, réponse aux évolutions de la demande… Comme pour les smart cities, il y a sans doute un monde des usines existantes, distinct de celui des nouvelles usines à créer de toutes pièces.
- Qui est contre ?
- Les syndicats : emploi, pénibilité, asservissement au SI et à la machine…
- Les directeurs financiers : c’est trop cher
- Les opérationnels : trop high tech donc pas fiable, trop de changements
- Les makers portent-ils une vision alternative ?
- Clairement en termes de conception, face à l’inertie des grandes entreprises ; mais en termes de production ?
- Idées d’un retour à une échelle qu’on sait maîtrise, et d’une réappropriation de la technique, de l’outil…
- Mais un problème d’échelle, qui reste celle du prototype et de l’expérimentation. La question du changement d’échelle n’est pas du tout résolue de ce côté.
En définitive, ce qui caractérise le plus l’usine du futur
- En vrac :
- la virtualisation
- le robot
- le numérique
- l’IA
- l’effet macro de captation de la valeur (ex. BIM dans la construction, Forge d’Autodesk : des “places de marché” qui visent des formes de contrôle des chaînes de valeur et de commoditisation des autres acteurs, notamment côté production)
- l’agilité
- la modification des produits et le brouillage des frontières produits-services et possession-usage
- la modularité et l’interopérabilité
- la durabilité et l’utilité sociale (??)
- Elements clés :
- Mutation des secteurs
- Nouveaux produits, nouvelles filières
- Mutation des modèles de conception et de production
- Usines post-fonctionnelles de production locale
Autres sources et/ou acteurs à consulter et/ou acteurs à impliquer
- La Fabrique de l’Industrie
- BCG projet de Saclay (demander à MH Féron)
- Dassault Systemes
- Autodesk
- Armelio (jeune boîte de conseil que connaît le participant Cnes)
- Fives, Clemessy (produisent des “usines”)
- Seb
- Darty
- Patagonia (objectif de durabilité)
- Adidas (smart factory)
- Les repair cafes
DÉROULÉ
DU CYCLE DE RÉFLEXIONSUR L'USINE DU FUTUR
• 1er mars 2017
|
1er atelier du cycle de réflexion
Compte-rendu
|
• 31 Mai 2017
|
Inscription
- "Promesses et utopies" de l'Usine du futur en termes de développement durable
- Controverse du futur “L’usine du futur sera-t-elle propre ? “
|
• 5 Juillet 2017
|
Restitution
|