4e chapitre système en transition du kit AgirLocal
Le numérique au service de mobilités plus économes (intermodalité, mobilités douces, télétravail,…)
Numérique et proximité (marchés publics et circuits courts, logistique, relocalisation, …)
Le numérique au service de la nature (biodiversité, qualité de l’air et de l’eau…)
Ouvrir le jeu d’acteurs et mobiliser les énergies
Construire un chemin adapté à votre territoire
Construire une culture partagée
Numérique et proximité
(marchés publics et circuits courts, logistique, relocalisation… )
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Les enjeux
Un grand nombre de décisions se prennent à des échelles locales où les États n’ont plus de lien direct avec les citoyens ni de capacité d’agir directement.
Les territoires, dans un contexte d’échanges mondialisés et de ressources propres plus rares, sont connectés à la fois avec des environnements proches, comme plus éloignés. Les stratégies de proximité ont aussi pour objectif de réduire leur degré de dépendance au lointain.
Les GAFA outillent de plus en plus de services locaux. Les grandes plateformes vont-elles déménager le territoire ou permettre de le renforcer ? Un territoire qui se vide de services locaux va devoir tout faire à distance et risque de péricliter.
Au-delà de la tension proximité/éloignement, l’accessibilité du territoire doit intégrer des contraintes spécifiques de la part de certaines populations en fonction de leur éventuelle situation de handicap, de leur âge ou de leur équipement. Une composante sociale et non uniquement géographique de la mobilité est donc à prendre en compte, par exemple dans le traitement des questions des distances domicile-travail.
Dans un monde devenu incertain, comment faire pour rendre plus souples et réversibles, plus démontables, évolutives et adaptatives les infrastructures ? Les besoins des territoires ne sont effectivement pas les mêmes selon les périodes (saisonnalité touristique, saisonnalité scolaire et universitaire…). De nouveaux modèles sont à trouver entre transport collectif fixe et transport à la demande.
Le numérique outille fortement les usages de proximité. Les principaux usages numériques sont dans le registre des échanges et des communications interpersonnelles (e-mails, réseaux sociaux, communications familiales, scolaires, professionnelles) dont une très large partie se situe en proximité géographique. Nos sociabilités numériques sont aujourd’hui très proches de nos sociabilités ordinaires; elles sont souvent visibles en ligne (les travaux conduits autour de l’hyperlocal sur différents territoires montrent l’abondante connaissance que l’analyse des pratiques socionumériques fournit sur un territoire), souvent tributaires de la distance géographique.
L’empreinte écologique est, selon Wikipedia “un indicateur et un mode d'évaluation environnementale qui comptabilise la pression exercée par les hommes envers les ressources naturelles et les "services écologiques" fournis par la nature”. Plusieurs régions (Occitanie, Hauts-de-France, Île-de-France...), territoires (Pays de Guingamps...) ou villes (Grand Lyon, Marseille, Besançon, ...) ont ainsi mesuré leur empreinte locale : consommation de ressources et capital naturel. Si l’intérêt de cette mesure pour la pédagogie et la lisibilité d’une politique locale n’est pas discutée, son application et son suivi font l’objet de controverses. L’empreinte écologique d’un habitant du Grand Lyon était ainsi de 5 hectares de surface terrestre par habitant et par an.
Le numérique a également un rôle à jouer dans les stratégies environnementales de proximité : outillage des circuits-courts, de l’autoproduction et des échanges locaux... Il consomme cependant beaucoup. Sa propre empreinte écologique, fort de notre modèle de croissance, producteur de déchets et de pollution, constitue donc un vrai défi environnemental auquel les logiques de proximité peuvent déjà apporter des réponses !
Parole d’expert
« Il ne s’agit pas de défendre un « localisme forcené » mais de revenir à une proximité des échelles se déclinant à plusieurs niveaux. Celui des transports tout d’abord, de façon à ce que les points d’arrêt du réseau de transports en commun soient proches, mais aussi celui de l’économie, en poussant les agents à produire et consommer localement. La proximité des systèmes de production d’énergie, de gestion des déchets et des eaux usées est elle aussi inscrite au cœur de la démarche, de manière à ce qui est produit soit recyclé et traité localement. Enfin, en matière d’urbanisme, la proximité est aussi l’occasion d’affirmer une réelle diversité et une mixité urbaine en ce sens que la ville des courtes distances offre la possibilité aux citoyens d’habiter, de se divertir, de se cultiver et de travailler près de chez eux. »
Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer et ADEME , Repenser les villes dans la société post-carbone p.42, Cahier de recherches
Où le numérique fait-il levier ?
CONSOMMER ET PRODUIRE LOCAL
Des circuits courts outillés par le numérique facilitent la relation entre population et producteur et réduisent les intermédiaires classiques de la distribution : suivre ses cultures chez les agriculteurs de la région et recevoir son panier à domicile avec Mon Potager ; acheter du poisson pêché durablement dans les 48h via la plateforme Poiscaille... Il s’agit donc de bénéficier d’une meilleure alimentation, en majorité, bio, locale, ou artisanale, comme le propose le supermarché la Louve à Paris, qui ouvre ses rayons à ses coopérateurs, lesquels s’engagent à participer au fonctionnement du magasin ; le projet SuperQuinquin, à Lille, s’apprête quant à lui à lancer un premier supermarché coopératif et participatif dans les Hauts-de-France.
Si la jonction est loin d’être déjà effectuée entre les “circuits courts”, l’autoproduction locale, et les réseaux numériques de proximité, de premiers signes de convergence possible sont à l’oeuvre, à mesure que les AMAP s’outillent en communication numérique et que les déplacements de proximité sont facilités par le numérique. Les autorités tentent, comme la Bourgogne avec Loc’Halles - plateforme d’informations et de services pour les acteurs de la restauration - de faciliter l’accès des producteurs locaux aux marchés publics. L’outil simplifie la commande publique dans le strict respect du code des marchés. La plateforme AgriLocal met ainsi en relation de manière simple, directe et instantanée fournisseurs de proximité et acheteurs publics ayant une mission de restauration collective.
Les monnaies complémentaires locales et les systèmes d’échanges locaux combinent proximité et numérique. Ainsi le Galleco s'échange dans les territoires de Rennes, Redon et Fougères, contre des euros pour consommer localement. Une initiative solidaire qui dynamise l’économie locale et favorise l’emploi de proximité. Le numérique permet de distribuer ces nouvelles capacités des territoires - des kits enrichis par des communautés sont à disposition des acteurs locaux : les kits et communautés "Totally Locally" prolifèrent et s'appuient sur les succès des pionniers pour lancer de nouvelles initiatives destinées à “animer le tissu commercial local et promouvoir l’économie locale”.
Les réseaux locaux entre citoyens sont également prégnants dans les stratégies de proximité : depuis l’échange d’objets pour éviter le nouvel achat - Sharevoisins “permet de trouver n’importe quel objet rapidement et à portée de pied en mettant les voisins en relation” ; aux habitats participatifs - Ha-Pa, est une plateforme numérique qui favorise ce type de logement en Nouvelle-Aquitaine ; à l’articulation avec des services d’e-commerce traditionnels : certains services de livraison permettent aux habitants d’un quartier de mutualiser leurs commandes pour limiter les trajets.
Les productions locales de biens intègrent parfois des dynamiques de réparation. Elles contribuent à faire bouger outils, lieux, comportements. Le projet principal du réseau Open Source Ecology est la “Boite à Outils du Village Global” (Global Village Construction Set), une plateforme qui regroupe les plans des “50 machines industrielles nécessaires à la création d'une petite civilisation durable, moderne et confortable.” Les plans, sous licence libre, permettent aux parties prenantes du territoire de construire et de réparer eux-mêmes leurs machines.
Controverses
Parole d’expert
« L’engouement pour les produits agroalimentaires locaux est en partie lié à l’attente de moindres impacts environnementaux de ces formes de commercialisation, et en particulier d’un bilan carbone plus favorable du fait d’une distance parcourue par les produits moins importante. Or, c'est la phase de production qui pèse le plus sur les impacts environnementaux des produits agroalimentaires et notamment sur leur bilan carbone. Ainsi, les moindres distances généralement parcourues par les produits locaux ne suffisent pas à affirmer leur qualité environnementale. »
Commissariat Général au Développement Durable, Consommer local, les avantages ne sont pas toujours ceux que l’on croit, Mars 2013
FAVORISER LES MAILLAGES SOCIAUX DU TERRITOIRE
Le territoire physique, ses services, ses lieux, ses équipements, se reconfigure, en fonction des usages et de la montée des pratiques en ligne, il devient plus agile. Éclairé par ses travaux sur les temps de la ville et de la vie, Luc Gwiazdzinski invite à prendre en compte la "ville malléable", à développer le "chrono-urbanisme", à intégrer davantage le temps dans nos lectures de l’espace. Les pratiques qui émergent en la matière, du côté des usagers, sont naturellement des pratiques d’optimisation, de calcul de chrono-distances et d’itinéraires. Mais ce sont aussi des pratiques fondées sur les sociabilités (parfois à l’opposé de l’optimisation : faire de nombreux kilomètres pour se retrouver, pour un événement festif) dont les flashmobs, les apéros facebook...
Dans un nombre croissant de territoires, les dynamiques collaboratives ne se limitent pas à la consommation et sont le reflet de liens sociaux entre pairs dans les champs de l’économie sociale et solidaire, de l’innovation sociale, mais aussi de l’éducation (réseaux d’enseignants, d’éducation populaire), de la culture, de la mémoire collective (wikis de territoires), du recyclage (repair cafés). L’émergence des tiers-lieux et des FabLabs, nouveaux lieux de créativité des territoires, rencontre souvent ces dynamiques collaboratives, mais aussi celles de l’autoconstruction ou encore de l’autonomie énergétique. Le mouvement des "Communs" (notamment incarné par des initiatives comme Le Temps des communs, issu de Villes en biens communs, né à Brest) s’articule avec ces initiatives territoriales.
Appuyés par le numérique, des collaborations horizontales et de proximité, sont également à l’œuvre dans l’univers des communautés du libre et des “makers”. De nouvelles formes de participation apparaissent : co-conception, co-production et partage de données (ainsi les propositions d’actions des infolabs, espaces collaboratifs dédiés à la compréhension, la manipulation et l’exploration de données); co-design, living labs, ouvertures de data & API, hackathons (cf. Déconstruire ton territoire, le 1er hacktahon des Côtes-d’Armor sur le Tourisme, le transport, la mobilité et le lien social) ; budget participatif...
Dans un souci d’efficience, la dématérialisation des services s'accroît. La promesse d’économie et de moindre impact environnemental (par exemple moins de coûts de transports) s’accompagne d’une réduction de l’ancrage spatial et temporel des activités.. Mais l'interaction entre services publics et usagers reste indispensable : nous avons besoin des lieux : les maisons de services au public mutualisent ces derniers et se font hybrides - elles délivrent parfois des services privés, de co-working. - le numérique peut ici faciliter certains usages - équipement, wifi, bornes ou guichets, ordinateurs...
Aujourd’hui, des travaux en cours sur la transformation des lieux à l’ère numérique (Softplace, projet conduit par la Fing, explore l’évolution des lieux d’éducation, de travail, de culture, de commerce, de service public) renforcent l’idée que le territoire peut être “programmable”, que l’allocation d’espaces peut être réversible, que les infrastructures peuvent être conçues pour anticiper les incertitudes et l’impossibilité à planifier, pour éviter l’”excess capacity” autant que possible et avec elle l’étalement urbain et le gaspillage.
Derrière ces approches, il y a l’enjeu d’imaginer à l’échelle de la région et de ses territoires ruraux et montagnards, une autre histoire que celle, très urbaine, de la Smart City. Ainsi, à 40 km au sud de Toulouse, un quartier sort de terre en pleine campagne, accéléré par le numérique et la croissance d’une startup, Payname. Objectif : développer un véritable quartier autour du campus Morning dont l’ambition est de créer une néo banque, autour d’une nouvelle expérience utilisateur, un nouvel acteur qui se veut indépendant et impertinent pour redonner le contrôle de l’argent à ses utilisateurs. Une expérience d’économie collaborative qui fait coïncider la dynamique d’une start-up avec le développement d’un territoire, mais également les besoins d’équipement et de services des habitants.
Controverses
Parole d’expert
« Si les consommateurs dématérialisent leur usage des objets et si les techniciens produisent ces objets à moindre impact environnemental, la population peut croître en nombre et en richesse sans que son impact environnemental croisse en proportion. »
Jesse H. Ausubel, Paul E. Waggoner, 2008
LES DYNAMIQUES LOCALES AU SERVICE DE LA RÉDUCTION DE L'EMPREINTE ÉCOLOGIQUE DU NUMÉRIQUE
L’aménagement numérique du territoire est devenu un enjeu fort de compétitivité pour les territoires. Le gouvernement a fait du Très Haut Débit une priorité nationale. Le “Plan France Très Haut Débit” prévoit ainsi que tous les territoires les logements, entreprises et administrations bénéficieront d’un accès à Internet performant d’ici 2022. Un désenclavement attendu qui permet aussi d’optimiser les déplacements, les échanges, l’accès à des services (télémedecine, …) contribuant à réduire l’empreinte carbone locale.
La décentralisation du stockage et de la puissance de calcul est aussi un levier d’action notamment pour des économies d’énergies. Qarnot Computing, par exemple, propose de décentraliser le matériel de traitement informatique et d'utiliser la chaleur dégagée pour chauffer une maison, un appartement, des bureaux… Son radiateur Q-rad utilise la puissance de calcul des ordinateurs pour chauffer gratuitement des logements.
La question de la territorialité des clouds est devenue essentielle pour les collectivités locales depuis la Note du 5 avril 2016 des Ministères de l’Intérieur et de la Culture. Celle-ci introduit la notion de cloud souverain : des serveurs situés en France et respectant la législation française, qui s’impose désormais aux collectivités territoriales. Elle considère ainsi tout document numérique des collectivités territoriales comme un “trésor national”. Les data centers français ont de beaux jours devant eux...
Optimisation des infrastructures SI, amélioration des services numériques et stratégie de mutualisation sont en cours pour offrir un service plus local. Ainsi UnivCloud, projet de cloud inter-universitaire dédié aux Établissements d’Enseignement Supérieur et de Recherche membres de l'Université Numérique de Paris Île-de-France, donnera aux universités franciliennes une puissance informatique considérable et modulable, et devrait contribuer à maîtriser l’impact énergie-carbone des équipements universitaires. Le projet H2M de mutualisation des Data centers sur Montpellier s’inscrit dans la même dynamique.
Villes et métropoles peuvent, sur leur territoire, bénéficier d’un accès gratuit à internet aux ordinateurs et objets connectés dans certains endroits (bâtiment, jardins publics…) où sont installés des bornes d’accès (hotspots). Paris propose ainsi 260 sites municipaux équipés de borne(s) d’accès utilisant le service Paris Wi-Fi : parc ou jardin, mairie d’arrondissement, bibliothèque ou encore musée de la Ville. Le territoire d’Arc bretagne sud propose quant à lui des points d’accès wifi gratuits dans plusieurs bureaux d'accueil et également dans divers bars, restaurants, ports…
Chaque acteur du territoire est à impliquer dans la recherche de modes de vie plus durables. La question culturelle est en effet collective par définition, et personnelle par processus, et en l’occurrence elle a des effets systémiques. Ce sont les utilisateurs du territoire qu’il faut responsabiliser dans leurs usages du numérique, l’interprétation de métriques ne peut se faire qu’en relation avec eux. Pour Christine Morin, directrice de recherche au centre Inria Rennes - Bretagne Atlantique, cela demande d’impliquer l’utilisateur, de lui faire prendre conscience de l’impact que peuvent avoir ses outils, ses programmes, sa manière d’utiliser son ordinateur, sur la consommation d’électricité. Cela passe nécessairement par des mesures et la capacité à restituer ces mesures dans une forme intelligible parlante pour l’utilisateur.
Matthieu Clavier, évoquait lors de fOSSa 2015 la démarche green IT de Nantes Métropole dans laquelle il est responsable du service Architecture informatique et Usages du poste de travail. Si celle-ci est déjà ancienne, un audit énergétique de la consommation de leurs infrastructures informatiques a été réalisé il y a 3 ans. Avec la virtualisation, le parc de serveurs physiques est passé de 160 serveurs physiques à 6 serveurs portant des serveurs virtuels. Dans un enthousiasme de l’abondance, de nombreux serveurs virtuels ont ainsi été créés. Même virtuels, les serveurs allumés consomment de l’énergie, ce dont l’audit a permis la prise de conscience. La politique d’usage a été adaptée et dorénavant les serveurs qui ne sont pas en production (ceux qui ne servent pas), sont éteints tous les vendredis soirs. Ils ne sont ré-allumés le lundi qu’à la demande. Grâce à cet automatisme, une économie de fonctionnement d’environ 100 serveurs, qui ne tournent plus, a pu être réalisée.
Controverses
Parole d’expert
«L’impact environnemental du numérique est considérable et en forte croissance. Internet, le Web et leurs infrastructures émettent ainsi déjà autant de CO2 que le transport aérien. Mais le numérique contribue à la crise écologique de plusieurs autres manières, aussi bien par l'épuisement de matières premières rares dans la fabrication des équipements, que par l’accroissement constant des déchets électroniques. Un effort constant et mesurable doit être consenti pour réduire massivement l’empreinte écologique du numérique, sur la totalité du “cycle de vie” du matériel comme des logiciels et services (lourdeur des programmes, traitements massifs de données…) »
Appel Transitions2 - Conseil National du Numérique, Décembre 2015, Décembre 2015
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