5e chapitre système en transition du Kit AgirLocal
Le numérique au service de mobilités plus économes (intermodalité, mobilités douces, télétravail,…)
Numérique et proximité (marchés publics et circuits courts, logistique, relocalisation, …)
Le numérique au service de la nature (biodiversité, qualité de l’air et de l’eau…)
Ouvrir le jeu d’acteurs et mobiliser les énergies
Construire un chemin adapté à votre territoire
Construire une culture partagée
Le numérique au service de la nature
(biodiversité, qualité de l’air et de l’eau…)
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Les enjeux
La protection des ressources naturelles, l’air, l’eau, les sols, les forêts, les océans, de la faune, fonge et flore, n’est pas seulement une question pour les prochaines années. Elle relève en effet d’enjeux immédiats propres à la santé et évidemment liées aux questions de pollution de l’air et de l’eau. Aujourd’hui, selon l’OMS, quelque 3 millions de décès par an sont liés à l’exposition à la pollution de l’air extérieur et à l’alimentation (les risques de sécheresse, acidification et contamination des sols et de l’eau ne sont plus à démontrer), comme à la diversité de la vie sur terre : plus de la moitié des vertébrés ont disparu en quarante ans selon WWF...
La protection de la biodiversité se pense à tous les échelons de la puissance publique : certaines régions se dotent d’agences pour la nature et la biodiversité, mettent en place des stratégies régionales pour la biodiversité ; la nouvelle “Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages” instaure la création d’une Agence Française pour la biodiversité ; le Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, les programmes européens, se placent dans des dynamiques de soutien aux initiatives des acteurs locaux.
Dans un monde où 80% de la population mondiale devrait être urbaine d’ici 2050, les actions se font au niveau local. Les villes doivent faire face à des enjeux environnementaux fort - elles mettent par exemple en place des stratégies de lutte contre la dégradation de la qualité de l’air : incitation au télétravail, aux mobilités douces… ; Le concours “Capitales Françaises de la biodiversité” récompense les stratégies municipales en matière de biodiversité.
Le numérique n’est pas “au service” de la nature. Le vivant n’a pas besoin des technologies pour exister - elles ont d’ailleurs joué leur rôle dans son altération. Mais ce raccourci nous permet d’envisager le numérique au service des hommes désireux de protéger la nature, de l’exploiter durablement. Le numérique fait monter en compétences les citoyens, leur place dans ces stratégies est au coeur du travail engagé sur les territoires : sciences citoyennes, Open Data, projets collaboratifs, Civitech, Do It Yourself et lieux d’innovation sont autant d’apports aux stratégies des territoires et au développement de l’écocitoyenneté.
La nature est au cœur de puissants intérêts économiques et la notion de "communs" est développée dans ce domaine pour désigner un ensemble de ressources qui n'ont pas vocation à être privatisées ni détruites et dont la préservation est l'affaire de tous. Les convergences entre "communs de la nature" et "communs numériques" (communs de la connaissance, logiciels, réseau internet) vont croissant.
Ce chapitre se propose d’évoquer les espaces où le numérique intervient en terme de biodiversité, de protection des ressources naturelles. Mais comme pour tous les chapitres de ce kit, le problème ne peut être pris seul. La protection de la nature demande une transformation des comportements, des modes de consommations et de production… Bref, un nouveau modèle de société.
Parole d’expert
« Sans technologies, nous ne pourrions pas survivre en tant qu’espèce. (...). Pour pouvoir survivre, nous sommes beaucoup plus dépendants les uns des autres, et de la technologie. Nous manipulons la nature et notre environnement à l’aide d’instrument et de techniques. La technologie détermine notre socialité et est donc extrêmement importante, pour régler non seulement notre rapport à la nature, mais aussi les relations entre nous et celles avec notre psychisme. »
Michel Bauwens, Sauver le Monde,2015
Où le numérique fait-il levier ?
MIEUX COMPRENDRE LA NATURE POUR AGIR
Les inventaires biologiques jouent un rôle central dans la compréhension et la protection de la nature. La dématérialisation de cette connaissance naturaliste s'accroît : les institutions et les territoires mettent de plus en plus à disposition de tous des données ouvertes et jouent le rôle d’agrégateur de données de sources différentes. Au niveau national, cette ouverture des données a été envisagée dans la récente “Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages” qui implique que les données issues des études d’impact réalisées soient dorénavant déversées dans l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN), afin d’enrichir l’offre publique d’Open Data.
À l’ère numérique, ce rôle d’observation, de classification et de production de données sur la nature et l’environnement est de plus en plus distribué et les pouvoirs publics s’appuient sur l'expansion des sciences participatives et collaboratives - et parfois les soutiennent financièrement et opérationnellement comme avec le programme 65 millions d’observateurs qui s'appuie sur des outils numériques (portail de participation, encyclopédie interactive, système d’analyse collaborative des données, outils de reconnaissance automatique d’espèces…).
Professionnels ou amateurs, mettre sa compétence de naturaliste au service de la collectivité permet d’enrichir considérablement la connaissance commune. Le SINP recense des dizaines de dispositifs de sciences participatives en ligne, souvent spécialisés par territoire - chacun disposant de sa propre faune & flore. On peut ainsi collaborer à des atlas et bases de données ouvertes, comme celle de Tela Botanica : FloraData recense la flore des territoires, et permet par exemple d’alimenter une cartographie des fleurs sauvages en milieu urbain ; ou encore celle des Petits Débrouillards Bretagne : les taxinomes, pour explorer la biodiversité avec une médiathèque à consulter, enrichir, à mettre en débat...
L’offre d’Open Data des pouvoirs publics en matière d’indicateurs et de données sur l’environnement est bien présente. Elle s’organise aussi par région : en Bretagne, des portails d’informations, de cartographies, de données, de tableaux de bord, permettent aux parties prenantes de s’informer sur des enjeux environnementaux majeurs, propres à leur territoire - l’ensemble de la région Bretagne se trouve classée en "zone vulnérable aux nitrates d'origine agricole", une problématique au coeur d’un duel entre pouvoirs publics, privés et associatifs : les données sur la qualité de l’eau (l’Observatoire de l’eau en Bretagne...) sont donc essentielles.
Mais les données moins “officielles”, les capteurs ont également leurs rôles à jouer, qu’ils soient utilisés dans le cas de mouvements collectifs ou de manières spécialisées. Les données “crowdsourcées” font partie des outils de participation. Plume Labs se concentre sur la qualité de l’air, regroupant les données de 11 000 stations dans le monde pour fournir une météo de la pollution dans plus de 200 villes et des prévisions sur les 24h à venir. L’objectif est de créer de la connaissance commune, qui sert par exemple dans le cas de politiques publiques, mais également d’équiper les citoyens de capteur pour cartographier la pollution autour d’eux pour comprendre, suivre et réduire leurs expositions personnelles aux principaux polluants. Autre exemple, l’association Labo Citoyen propose aux individus de construire et d’utiliser des capteurs de mesure de la pollution, et de partager ces données en Open Data, le tout dans une démarche de collaboration entre acteurs associatifs, collectivités territoriales, institutions publiques et privées pour pousser un effort de sensibilisation aux questions environnementales, et co-organiser des ateliers de conception de ces capteurs.
Les dispositifs numériques sont également prégnants pour étudier et gérer des écosystèmes locaux (systèmes d’information géographique ; la suite logicielle gratuite I-Tree, qui permet de comprendre et mesurer les bénéfices des arbres en milieu urbain ; les images satellites pour cartographier les forêts, associées à d’autres types de données pour la plateforme Global Forest Watch...). Ces dispositifs peuvent s’intégrer au sein même des stratégies des espaces concernés : les capteurs professionnels de la forêt d’Orléans par exemple permettent aux chercheurs de rendre compte de l’impact du réchauffement climatique sur l’écosystème ; L’Infolab dédié à la biodiversité du grand parc de Miribel Jonage à Lyon permet la tenue d’un espace citoyen collaboratif dédié à la compréhension, la manipulation et l'exploration des données du parc.
A l’objectif scientifique de création de connaissance, s’ajoutent des objectifs pédagogiques, de sensibilisation, comme nous le voyons dans les dispositifs de science citoyenne cités plus haut ou encore avec l’utilisation de serious games - EcosysGame, le jeu développé par Cap Sciences, Centre de culture scientifique, technique et industrielle et la région Aquitaine. La réalité augmentée est également utile : depuis l’herbier amélioré avec Plantnet - un outil d'aide à l'identification des plantes par l'image - à des projets de visualisation avec EcoMobile - un projet de l’université d’Harvard pour permettre à des élèves de primaire d’explorer virtuellement et en temps réel l’écosystème d’un véritable étang (qualité de l’eau, flore, …) qu’ils filment avec la caméra de leur smartphone.
Les bases de données ne servent pas uniquement à créer de la connaissance, à outiller la prise de décision et à sensibiliser, mais également à entreprendre des actions militantes : plaidoyers s’appuyant sur les données ouvertes et moins ouvertes ; lutte contre les polluants et les espèces génératrices d’allergies (l’application et plateforme GPS ambroisie permettent à tout citoyen de révéler la présence de la plante et outillent les collectivités dans leurs stratégies de lutte) ; encouragement d’une consommation durable (Bristol food for free, une cartographie des plantes comestibles de la ville de Bristol) ; ou encore création de systèmes d’alerte (les smartphones de Rainforest Connection, recyclés en microphones de surveillance pour arrêter la destruction illégale des arbres).
Les applications que l’on peut tirer des données sont donc multiples et permettent d’agir au niveau local pour la protection de la nature. Le numérique peut également être utile aux actions d’adaptation - qui visent à anticiper et limiter les dégâts liés au changement climatique, sécheresse, contamination des sols et de l’eau, ou encore catastrophes naturelles sur les territoires à risques - avec par exemple des systèmes d’alerte via des capteurs signalant des feux de forêt ou encore le controversé et massivement utilisé “Facebook Check” - qui permet aux utilisateurs de Facebook d’indiquer à leurs réseaux s’ils sont en sécurité. Dans la suite du hackathon sur la biodiversité, en novembre 2016 se tient le “HackRisques” organisé par le Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer pour “développer des dispositifs de prévention et de gestion des risques à même d’améliorer la diffusion de l’information avant, pendant et après la survenue d’une catastrophe naturelle”.
Controverses
Parole d’expert
« La faiblesse des effectifs de professionnels de la nature constatée unanimement en France impose de facto de transférer aux associations des missions d’inventaire, de collecte d’informations sur le terrain, de gestion, de sensibilisation et d’information du public. »
Conseil Économique et Social français, La nature dans la ville, Biodiversité et urbanisme,2007
EXPLOITER ET PROTÉGER LA NATURE
Biomimétisme, bionanotechnologie, biotech, …, la science s’inspire du vivant, d’où l’important enjeu de protection de la biodiversité, car c’est en elle que nous puisons les innovations qui nous détacheront peut-être un jour des énergies fossiles - Glowee est un système de lumière biologique utilisant les propriétés naturelles bioluminescentes d’organismes marins ; des matériaux polluants - PILI, prototypé à La Paillasse, lieu de “biohack”, est une encre biologique produite par des micro-organismes ; ou encore de l’agriculture massive (aquaculture, viande synthétique…).
L’un des aspects incontournables lorsqu’on parle gestion et protection d’un écosystème local est celui des communs qui reposent sur la vision d’une communauté d’acteurs qui s’organise pour prendre en charge la ressource dont ils dépendent (eau, terres cultivées, forêts, …) et éviter sa surexploitation. Si les communautés gérant des communs matériels de type ressources naturelles peuvent être outillées par le numérique (pour s’organiser via des réseaux locaux, des plateformes, ou encore suivre l’évolution du commun avec des données sur la qualité de l’eau, des sols, …), les communs dématérialisés comme Wikipedia ont également leurs rôles à jouer dans la protection de la nature : “Wiki Loves Earth 2016 est un concours international de photographie. Il a pour but principal d’encourager la valorisation des zones naturelles protégées à travers des projets Wikimédia”.
L’économie collaborative s’intègre dans de nombreux secteurs, et le numérique participe de son essor. Les outils numériques collaboratifs permettent par exemple de déployer des démarches de trocs, d’échanges locaux de ressources naturelles. Graines de Troc est une plateforme en ligne “où chacun peut proposer et échanger ses graines, en constituant tous ensemble une collection commune”. Ces initiatives - à contre-courant de l’industrialisation monopolistique des semences, seront a priori soutenues par la nouvelle “Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages” qui stipule que les échanges gratuits entre jardiniers amateurs, agriculteurs seront autorisées. Cette loi ne concernera cependant que les semences relevant du domaine public…
L’aménagement du territoire est un domaine dans lequel la question de la protection des ressources naturelles, de l’environnement est prégnante. Le numérique y a un rôle à jouer. D’abord parce que cet aménagement est peut-être l’une des sphères où la démocratie participative s’impose le plus, puisque le public y est obligatoirement associé : enquêtes, débat public et concertation - aujourd’hui largement outillés par le numérique. Ensuite au travers de mouvements militants. A titre d’exemple, le collectif des Naturalistes en lutte s’oppose à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes car 5 espèces rares ont été répertoriées sur le site : disposer des données des bureaux d’études, comme la nouvelle loi le stipule, permettra d’aider les mouvements citoyens dans leur dialogue avec les pouvoirs publics.
Les processus de démocratie participative et de consultation en ligne s’appliquent également à des enjeux législatifs : la “Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages” a ainsi été discutée par plus de 9000 participants sur le site de Parlement & Citoyens, l’occasion pour des particuliers et des associations locales de débattre et de proposer de nouveaux amendements.
Autre forme possible de la lutte pour la biodiversité : les plateformes de financements participatifs permettent aux citoyens, associations, de se lancer dans des projets environnementaux et la question de la biodiversité ne fait pas exception - le projet Graine de vie (mouvement citoyen pour la sauvegarde des variétés potagères et fruitières) fut financé à son lancement sur KissKissBankBank. Les pétitions en ligne sont également des espaces privilégiés - la pétition contre le chalutage profond (aujourd’hui interdit) appuyée par le blog influent de la dessinatrice Pénélope Bagieu, a récolté des centaines de milliers de signatures.
FabLab, biofablab, greenfablab, … Les lieux de conception et de fabrication essaiment, et les projets environnementaux qui y sont initiés ne sont pas anodins. Souvent observés pour leurs projets contre l’obsolescence programmée ou encore sur les énergies renouvelables, la biodiversité, la protection de la nature y sont également à l’honneur. Des lieux ancrés sur un territoire, pour des projets qui ont parfois une ambition universelle : le Floating FabLab - un bateau au Pérou - est à la fois une “plateforme mobile pour la recherche en bioremédiation, et un outil d’intégration sociale qui apporte éducation et technologie aux communautés négligées” ; En Europe, le projet Open Source BeeHives, développé au sein du FabLab Barcelona, se veut un réseau de citoyens luttant contre le déclin du nombre d’abeilles par la fabrication de ruches faites-maison, connectées et Open Source.
Controverses
Parole d’expert
« Les stratégies régionales « climat » et « biodiversité », sont deux volets du SRADDT adopté par le Conseil régional. Elles intègrent toutes les deux la nécessité de développer l’écocitoyenneté. Cette modalité est donc reconnue comme essentielle et particulièrement sensible à l’usage d’outils numériques de mise en réseau des hommes et des informations. »
Schéma Directeur des Usages et Services Numériques - Une nouvelle dynamique pour le Nord-Pas-de-Calais, 2015
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